Marie-Adélaïde de Savoie
Éditions PERRIN
Elisabetta LurgoSélection Prix Hugues Capet 2024
432 pages
Date de parution 08/02/2024
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Le pouvoir éphémère d’une jeunesse triomphante dans une monarchie sur le déclin.
Dans le roman d’un Grand Siècle au charme éternel, Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712), mère de Louis XV, tient le rôle d’héroïne tragique. Fiancée à dix ans au duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, elle était promise au trône de France ; mais son insouciante jeunesse sera brisée par la guerre de Succession d’Espagne, dont elle ne verra jamais la fin ; éphémère dauphine, elle sera emportée dans la fleur de l’âge au moment où l’avenir lui souriait. Elle meurt en effet à vingt-six ans, en 1712, six jours avant son mari, son aîné de trois ans, tous les deux emportés par la rougeole, ces deux disparitions sonnant le glas du régime louisquatorzien.
Marie-Adélaïde a une place de choix dans l’éblouissante galerie des femmes qui peuplent la mémoire de Versailles. Elle est longtemps demeurée la petite princesse qui jouait les enfants gâtés avec un monarque vieillissant qu’elle fascinait, mais elle était surtout beaucoup plus que cela : l’espace d’un souffle, elle a incarné les rêves d’une génération nouvelle à la Cour. Elle connaît une enfance sans histoire à la cour de son père, Victor-Amédée II de Savoie, souverain à la grandeur tragique dont le machiavélisme sans merci choquait l’Europe entière, avant d’enchaîner ses premiers pas à Versailles où, à l’âge de dix ans, elle doit briller et tenir son rang au-dessus des intrigues et des cabales. Nous la suivons ensuite jusqu’au bord du gouffre, lors d’une guerre longue de treize années, de 1701 à 1714, qui façonnera l’Europe moderne. Celle qui, aux yeux des courtisans, n’est d’abord que la « poupée » du souverain, témoigne alors d’une intelligence politique qui surprend l’entourage du Roi-Soleil. Ses dernières années, jusqu’à sa mort prématurée, sont teintées d’un air d’apocalypse. Main dans la main avec son époux, Marie-Adélaïde s’achemine vers le royaume céleste, tandis que, derrière elle, plane le châtiment de Dieu qui écrase un roi de guerre : la mort l’a figée à jamais dans sa jeunesse éternelle, dont le mal de vivre annonce déjà un monde nouveau.
En novembre 1671, dix ans après la prise du pouvoir par Louis XIV, la cour de France accueille Élisabeth-Charlotte, princesse palatine du Rhin, seconde épouse de Philippe, duc d’Orléans, le frère cadet du monarque. Spontanée et joyeuse, la jeune Allemande va bientôt faire entendre une voix dissidente dans le saint des saints, le clan très fermé du Grand Roi. La princesse sans façons déplaît souvent, mais elle ravit aussi son beau-frère par sa franchise et, pendant cinq décennies, s’établit entre eux un dialogue critique. À travers cette relation originale et méconnue, l’auteur nous entraîne dans une Atlantide engloutie : Versailles à son apogée, tout de hiérarchies sacralisées, de rites complexes et de valeurs souvent aux antipodes des nôtres. Ce portrait en creux du Roi-Soleil révèle aussi quelques attributs du pouvoir politique et social, à l’évidence plus intemporels.
D’une plume légère et élégante, l’auteur raconte à travers cette curieuse complicité l’envers du Grand Siècle et les coulisses d’un monde disparu.